Ottawa, 6 août 2022

Par Kossi Djani

Diverses délégations de la diaspora togolaise en Afrique, en Amérique et en Europe notamment sont arrivées vendredi 5 août à Freiburg, une belle petite ville universitaire et touristique du sud-ouest de l’Allemagne, où se tient les 6 et 7 août 2022 l’Assemblée générale (AG) de CODITOGO, la Coalition de la Diaspora Togolaise pour l’Alternance et la Démocratie.

La rencontre de Freiburg, une contrainte statutaire pour CODITOGO

La rencontre de Freiburg cette fin de semaine entre nos compatriotes de la diaspora est d’abord une nécessité statutaire pour CODITOGO. En effet, les statuts de cette organisation non-partisane née à Paris le 9 décembre 2017 et portée sur les fonts baptismaux à Dakar (Sénégal) le 3 mars 2018, stipulent que « L’assemblée générale se réunit au moins une fois tous les deux ans (…) » (Art. 10.4). La dernière AG n’est autre que celle de Dakar, la pandémie COVID-19 n’ayant pas permis les retrouvailles de 2020. Le souci de respecter les statuts et l’assouplissement  des règles de transport rendent possible celles de 2022.

Togo: quelles clés pour ouvrir les portes de l’alternance démocratique ?

La rencontre de Freiburg est plus qu’une nécessité statutaire. Le contexte socio- politique et économique actuel du Togo nécessite une pause-réflexion sur le présent et l’avenir de notre pays.

Sur le plan politique, du 5 octobre 1990 jusqu’à ce jour le désir du changement de régime politique du peuple togolais est demeuré un rêve. Plus de trente ans après les événements du début des années quatre-vingt-dix qui ont permis l’introduction du multipartisme et de certaines libertés démocratiques aujourd’hui presque perdues, les Togolais vivent toujours dans la continuité d’un régime autocratique puisque le président actuel, Faure Gnassingbé a remplacé son père, feu Gnassingbé Eyadéma à la mort de celui-ci en 2005 avec l’aide de certains officiers de l’armée togolaise. Plusieurs prisonniers politiques croupissent dans les prisons togolaises sans jugement ou par des parodies de jugement alors que d’autres y sont morts. Des hommes politiques de l’opposition sont contraints à l’exil pour avoir la vie sauve pendant que d’autres sont portés disparus.

Du côté de l’opposition, les multiples querelles de leadership, le manque de vision cohérente et pragmatique, les considérations partisanes ont affaibli les partis politiques de l’opposition qui, aujourd’hui, s’ils ne sont pas mis sous silence par le régime au pouvoir, collaborent avec lui ou ont disparu de l’échiquier politique. Si en 2017, Le Parti National Panafricain de Tikpi Atchadam a remobilisé les Togolais du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest rendant l’alternance à portée de main, nul ne saurait nier que le manque de réalisme, de pragmatisme politique du leader du PNP et l’absence de sincérité de bien d’autres leaders de l’opposition – qui ont fait preuve de duplicité – ont constitué des facteurs endogènes de l’échec de cet énième soulèvement du peuple togolais pour obtenir un changement de régime. Aux élections présidentielles du 22 février 2020, si tous les éléments recueillis par la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK) montrent la victoire de son candidat M. Agbéyomé Kodjo, force est de constater que, malgré la promesse de la DMK d’exécuter la volonté du peuple togolais traduite dans les urnes, c’est le diktat du pouvoir en place à Lomé que subissent toujours les Togolaises et Togolais. Il y a donc un constat d’immobilisme flagrant des partis d’opposition au Togo qu’il s’agisse de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), du Parti National Panafricain (PNP) ou de la DMK. Concernant la DMK, malgré son gouvernement en exil et les discours d’espoir de son leader, elle peine à remobiliser les troupes, à relancer la lutte pour l’alternance sur le terrain, à rassembler autour d’elle les forces démocratiques. Quant à l’ANC, si sa participation aux municipales lui a permis de prendre la gestion de certaines municipalités, sur le plan national, ses hésitations envers les autres partis et certaines incohérences de ses orientations ont miné sa crédibilité auprès du peuple de sorte qu’elle peine à remobiliser comme à ses débuts.

Sur le plan économique, le gouvernement togolais est contraint à faire presque chaque mois des levées de fonds sur le marché régional des titres publics de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), une situation inédite dans l’histoire économique du pays. Cela reflète la fragilité et ou l’inefficacité des diverses politiques économiques mises en places ces dernières décennies sans oublier le bradage des domaines de souveraineté de l’État avec des conséquences néfastes sur le pouvoir d’achat des citoyens qui croupissent sous le poids de la cherté de la vie, la difficulté à accéder aux soins de santé raisonnables et la dégradation des mœurs…

C’est dans ce contexte socio-politique et économique que se réunit en AG en Allemagne la Coalition de la Diaspora Togolaise pour l’Alternance et la Démocratie afin de réfléchir sur quelles clés pour ouvrir les portes de l’alternance démocratique au Togo.

Les délégués sauront-ils identifier ces clés? Les accès aux portes de l’alternance démocratique sont-ils libres? Quelles sont les réelles forces en présence à l’étape actuelle de l’histoire politique togolaise? Quelles actions réalistes peut-on entreprendre? Qu’est-ce qui est possible avec le régime au pouvoir ou qu’est-ce qui ne l’est pas?

Une chose est certaine, il n’existe aucun tour de magie pour dénouer une crise politique. Et celle togolaise ne fait pas d’exception. Ce ne sont pas nécessairement de grands docteurs en sciences politiques qui ont dénoué les crises politiques majeures de l’histoire mais, des femmes et des hommes qui ont allié notamment la diplomatie et l’écoute dans des actions pragmatiques. Il s’agira pour le nouveau bureau qui sera élu d’approfondir les réflexions majeures qui émergeront de cette AG, d’encourager les partis politiques de l’opposition togolaise à faire balle à terre, à redéfinir un cadre de travail de base et relancer la lutte pour l’alternance démocratique ensemble avec les forces de la société civile en ayant en esprit qu’en politique,  les adversaires d’hier peuvent devenir des alliés d’aujourd’hui ou de demain. Ce n’est pas le nombre nécessairement qui fera le succès mais la qualité des femmes et des hommes qui, au-delà de leurs divergences factuelles, se retrouvent dans le dénominateur commun de leur cause : le bonheur d’un peuple. Car, uniquement, les Hommes d’exception savent dénouer les crises exceptionnelles. Et il n’y a pas de petites victoires car ce sont de petites affluences qui font les grandes rivières, les grands fleuves.