YAKOUBOU Abdoul-Moutawakilou

Arrêté le 25 janvier 2020 comme nombre de militants et sympathisants du PNP, YAKOUBOU Abdoul-Moutawakilou a été détenu au Camp GP d’Agoè Logopé où il a été torturé avant d’être déféré dans un premier temps à la Prison civile de Tsévié.

Puis transféré, le 16 août 2020, à la Prison civile de Lomé, il y est tombé gravement malade et a été conduit en urgence, le 22 juin 2021 au Cabanon du CHU-Sylvanus OLYMPIO.

Son état de santé s’aggravant continuellement, il a introduit une demande de mise en liberté provisoire à travers son conseil.

Ce fut alors que, saisi de la gravité et de la détresse de sa situation, le Comité pour la libération de tous les prisonniers politiques du Togo s’est d’abord mobilisé sur son cas en faisant faire les analyses nécessaires pour avoir un diagnostic plus précis sur son état de santé. Ceci a permis d’identifier qu’il était atteint d’un lymphome non hodgkinien (LNH), une forme de cancer abdominal qui peut avoir une évolution fulgurante, affection survenant généralement comme conséquence d’un fort stress.

Face à ces résultats terrifiants, le Comité multiplia les interventions nécessaires auprès des autorités compétentes ayant pouvoir de décision sur son cas afin qu’il ne soit plus détenu dans les conditions exécrables qui sont celles du Cabanon du CHU-Sylvanus OLYMPIO où les prisonniers politiques sont détenus, menottés à leur lit d’hôpital ! Cela, afin qu’il puisse aller se faire soigner dans des conditions plus dignes hors du milieu carcéral.

Une intervention décisive fut faite par le Comité auprès de la CNDH où, prise de compassion pour sa situation, sa présidente, feu Mme Nakpa POLO, a fait le nécessaire auprès des autorités judiciaires pour qu’une suite favorable soit donnée à la demande de mise en liberté provisoire de YAKOUBOU Abdoul-Moutawakilou et elle lui a été accordée le vendredi 16 juillet 2021 par le juge en charge de son dossier. Le 19 juillet, bénéficiant de cette mise en liberté provisoire, il a été transféré du Cabanon à la Clinique médicale du même CHU-Sylvanus OLYMPIO.

Puis commença une terrible bataille contre la maladie où les fonds, heureusement mis à la disposition du Comité à travers la campagne de parrainage des prisonniers politiques lancée à l’échelle internationale, a permis d’aider à prendre en charge les différents frais nécessités par sa situation.

Une amélioration était en vue et l’issue d’une guérison miraculeuse était en perspective.

Mais subitement, le mardi 24 août YAKOUBOU Abdoul-Moutawakilou était frappé d’une terrible hémorragie qui n’entendait pas cesser.

Tombé dans le coma dans la nuit du 24 au 25 août 2021, il a été reconduit d’urgence, le 25 août, au CHU-Sylvanus OLYMPIO où il a rendu l’âme le lendemain, 26 août 2021 aux alentours de 16H, soit 38 jours seulement après sa libération.

Dans son N° 3433 du 27 juillet 2021, le journal Liberté, sous le titre : « Yakoubou Moutawakilou du PNP: une libération qui suscite plus d´interrogations qu´elle n´en résout » mettait déjà en cause la responsabilité des autorités togolaises face à sa situation, dans un article qu’il lui consacre comme suit :

« Malade depuis plusieurs mois, mais ils avaient préféré que son état se détériore à son lieu de détention avant de se résoudre à le conduire à l´hôpital. Gravement malade, laissé à la charge de sa famille, sa détention et aujourd´hui sa libération provisoire, dit-on, posent le problème de ces détentions arbitraires, fantaisistes, à coloration tribale, qui renvoient plus à la formule de la loi du plus fort. Ces arrestations ou plutôt ces enlèvements sauvages de militants de partis politiques, qui ne reposent sur aucune raison valable, posent la question de la prise en charge des prisonniers malades, en détention et après leur libération. Ces prisonniers rendus malades pendant leur détention, et qu´on laisse parfois mourir, pose le problème de l´impunité avec laquelle les tortionnaires et leurs commanditaires continuent à détruire des vies d´innocents citoyens en ces tristes lieux. Pour Yakoubou Moutawakilou, qui est toujours hospitalisé et souffrant d´après les dernières nouvelles en notre possession, nous espérons que ce ne soit pas trop tard comme pour Taïrou Mourane, Moussa Saïbou, Issaka Alassani, Soulémane Djalilou Grand… arrêtés le 26 janvier 2020; tous sauvagement torturés au camp GINP d´Agoé-Logopé dans l´affaire sans tête ni queue dite «Tigre Révolution». Tous morts en détention sans jamais avoir été jugés et condamnés. Une liste malheureusement incomplète de prisonniers dont les familles ne recevront que les corps sans vie.

Ils sont encore très nombreux, ces citoyens et citoyennes togolais à végéter en prison sans savoir le sort qui les attend. (…)

Quel est donc ce régime qui parle de démocratie et d´élections, et en même temps engage une chasse à l´homme tous azimuts contre les vrais opposants à son système de gouvernement décrié par tous? Comme Yakoubou Moutawakilou, il y a encore beaucoup de citoyens et citoyennes togolais, comme nous venons de le démontrer, arbitrairement arrêtés et détenus dans des conditions inhumaines. Et ce qui saute  aux yeux en parcourant la longue liste des incarcérés, c´est le caractère éthnico-tribal de l´acharnement du régime de Faure Gnassingbé contre certains Togolais. Plus de 99% des citoyens brutalement arrachés à la liberté sont, soit de Tchaoudjo, d´Assoli ou de Tchamba. Est-ce la bonne voie, selon ce régime d´un autre âge, pour arriver à la fameuse réconciliation dont on nous parle dans les discours officiels? Nous ne croyons pas. Pour terminer, nous voudrions joindre notre modeste voix à celle des associations de défense des droits de l´homme, et des leaders de la société civile engagés pour la même cause, pour demander la libération sans conditions de tous les détenus politiques, dont Kpatcha Gnassingbé et ses co-détenus. Et après leur libération que l´état togolais pense à leur dédommagement, ainsi qu´à celui des familles de tous ceux qui sont morts en détention. »

Survenant comme conséquence des tortures et autres traitements cruels, inhumains et dégradants qui lui ont été infligés en détention pour des raisons uniquement « politiques », le décès de YAKOUBOU Abdoul-Moutawakilou dans un tel contexte, peu après sa mise en liberté provisoire, en fait un assassinat politique, une condamnation à mort pour des raisons politiques.

Accompagné d’une foule massive et enveloppé du drapeau togolais, il a été enterré au Cimetière musulman d’Agoè-Zongo le vendredi 27 août 2021.